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Version à imprimer >> ![]() Carnet de route: Brésil "O pior naufragio e nao sair" (Le pire naufrage, c'est de ne pas partir) Amyr Klink, navigateur brésilien Brésil BraaaaaAAASiiiiiiiiiiiiiiiL ! Sentimos saudades depois de 3 meses de felicidade, num pais onde as pessoas sao maravilhosas e de paisagens incriveis. Uma parte de nosso coracao ficou no Brasil. Com certeza, voltaremos no Pais do amor e da sensualidade... Et oui, on parle portugais ! Depuis 18 mois, nous en aurons essayé, des méthodes de langue : "L'italien sans peine", "l'arabe, c'est facile", "Le Turc Dans la Poche", "Devenez mongol" (perdu dans la steppe)... Tous ces petits fascicules, de moins en moins lus, avaient entraîné chez nous une farouche lassitude face au chinois, au vietnamien, au khmer, au thaï et au malais. Marre, marre, marre d'apprendre des nouvelles langues. Et pourtant, nous avons dépassé la 14ème leçon du "Brésilien sans peine". Nous voici enfin dans un pays où nous pouvons communiquer réellement avec les habitants. Et ça tombe bien, parce que les Brésiliens adOrent communiquer. Ils ont ça dans le sang. ![]() Leur pays, c'est un rêve. Je le sais bien, nous sommes des privilégiés, je sais qu'il ne faut pas être naïf, mais misère ou pas, le Brésil VIT, on sent son coeur BATTRE. ![]() Vraiment, le Brésil est un euphorisant. Je ne pourrais qu'en raconter des lambeaux, mais essayons quand même. Sylvia m'a accueillie chez elle, un 11 décembre. Sylvia et son adorable famille habitent Botafogo, un quartier central et sans danger (à Rio de Janeiro, c'est un luxe) près du métro, de la plage (Copacabana), du Corcovado (le fameux Christ qui surplombe la ville), et près du Pain de Sucre, aussi. Autrement dit, lorsqu'on a un chez-soi à Botafogo, c'est déjà magnifique. Mais en plus, Sylvia parle 5 langues dont le français, et elle adore faire aimer le Brésil aux étrangers. C'est son métier : guide touristique. Et quelle patience, quelle simplicité d'accueil... Merci Sylvia. Merci aussi à ta petite maman toujours là et attentionnée, merci à Beatriz pour sa grâce et sa spontanéité, merci à Eduardo pour ses bonds dans le salon, déguisé les soirs de match en parfait supporter (des chaussettes au drapeau), et merci à Henrique, que nous espérons ne pas avoir usé par notre présence. A mon arrivée dans ce petit paradis, je suis presque immédiatement repartie pour le Nord. Ce "presque" de 2 jours avait suffi à Rio pour m'ensorceler. J'adore cette ville. Beatriz (de nuit) puis Sylvia (de jour) m'ont offert un panorama général en m'emmenant dans tous les beaux coins en voiture et je me suis perdue à pied dans Uruguaiana, véritable souk tropical. Un souk peuplé d'indolents afrobrésiliens vivant dans des petites maisons de style baroque portugais... avec des magasins qui vendent des strings partout, à côté des marchands de bricolage, de fringues, des librairies et des restos. Dans les ruelles, les gens sourient et ils sont beaux. J'adooooore cette ville. (NB : pour ceux qui se demandent "mais où est donc passé Xavier ?", relire le carnet Malaisie). Deux jours plus tard, donc, plus au Nord, Argus m'attendait à Belo Horizonte. Par e-mail, une amie tourdumondiste-à-vélo (Sibylle) m'avait parlé d'Argus, qui s'apprête à devenir lui aussi tourdumondiste-à-vélo. Et comme il habite dans une région rurale et que je voulais photographier des vaqueiros (cow-boys brésiliens), Argus m'a dit "viens, je t'accueille." Aurais-je pu deviner que ce jeune architecte aventurier était lui aussi l'hôte idéal ? Pour découvrir par exemple la vie douce des Brésiliens trentenaires, bons vivant, cultivés, drôles et fins. La vie plus rude des vaqueiros qui coupent les mygales d'un coup de fouet. La vie étudiante d'Ouro Preto, fameuse ville regroupant le plus grand nombre des plus jolies églises baroques au monde. Impossible d'imaginer à l'avance ces balades à cheval mémorables, perdus dans une végétation épaisse au grand galop. Ni ces fous rires, ces discussions passionnantes, ce bain familial confortable, l'accès à un bureau pour travailler, les petits cinés et tous les petits restos. Gâtée. Mais pour être totalement honnête, ce n'était ni pour Argus, ni pour les vaqueiros que j'étais au Brésil un mois avant Xaviéric. C'était juste la seule date d'avion disponible pour être au rendez-vous le 26 décembre à Salvador de Bahia. Avec un Italien, rencontré en Mongolie, et avec qui les mails/coups de téléphone avaient connu une croissance exponentielle ces six derniers mois. ![]() - " Muito obrigada, Clara, é muito legal !" (merci beaucoup, Clara, c'est très gentil) - "De nada, Isabelle, é fica a vontade... "(de rien, ce n'est rien, fais comme chez toi) Le lendemain soir, 25 décembre, l'école de percussionnistes Dida présentait un Opera Popular sur la place principale de Pelourinho, le vieux quartier de Salvador. Cela a commencé par des feux d'artifice tonitruants. Lorsqu'ils se sont éteints dans la nuit, le bruit continuait : 20 percussionnistes noires battaient les tambours en ondulant comme une vague géante. Au milieu de la scène, un danseur bondissait, muscles saillants. Il incarnait l'ange annonciateur : "ce soir, le Christ va naître". Noël au Brésil. Bahia est l'Etat le plus africain du Brésil (Fichier= brasil-salvador.mp3, enregistré par Scott Alexander; Taille= 962 ko) . Et le public, enthousiaste, regardait cette histoire biblique qu'on ne trouvera dans aucun évangile: Cuando Deus nasce na Bahia. C'était en portugais, je n'ai pas tout compris. Mais en résumé, Jésus est noire et c'est une fille. Entre temps, les dieux de cet étrange syncrétisme afrobrésilien ont défilé, ainsi que des conquistadors et des esclaves, tous incarnés par de félines adolescentes noires qui dansaient au rythme des percussions. Le public était scotché. Même les enfants, émerveillés sur les épaules de leur parents jusqu'à 2h du matin. Nous regardions tous Joseph brandir sa petite fille, avec la belle fierté d'un père comblé. Magnifique. Quel pays ! Le lendemain, "il" est arrivé. Malgré de nombreuses demandes reçues sur mon e-mail perso, je ne détaillerai pas les 15 jours qui ont suivi. Ça ressemblerait trop à un roman de Barbara Cartland. Avec en prime 1000 km de côte océanique en buggy tout terrain et une halte de 3 jours dans un village inaccessible et cerné par les lagons. Matteo était accompagné d'une poignée d'amis portugais, d'un autre italien et d'une Grecque. Tous très sympa et bon vivants. Comme vacances, on ne pouvait guère prétendre à mieux. Même en cherchant bien. Pendant ce temps, Xav' fêtait le nouvel an avec ses amis malais, chinois et français, entre Kuala Lumpur et Singapour (cf. Carnet de Bord Malaisie). Ce sera tout pour la page "perso". ![]() 25 janvier. Xav' vient d'arriver à Rio. Sylvia est toujours aussi merveilleusement accueillante. Recherche vaine d'un voilier ou d'un cargo qui nous ramènerait vers l'Europe. Chaque jour, on se plonge un peu plus dans la vibrante Rio. Xavier aime de mieux en mieux le Brésil et de plus en plus une Brésilienne. De mon côté, j'en profite pour traîner vers Santa Tereza, un quartier de Rio où vivent artistes et beatniks. Il y a même un peintre fou qui a décidé de couvrir un escalier d'azulejos de tous les pays. Selaron, c'est son nom. Il les change au fur et à mesure car il veut que son oeuvre vive, qu'elle soit mutante. A découvrir prochainement dans les pages Coup de Coeur. ![]() Pour les reportages musicaux à Rio, heureusement, nous avons rencontré Caroline, une Française étonnante venue ici pour écrire un livre sur la samba. Caroline est un heureux hybride entre une pile Duracell, une érudite spécialiste du Brésil et une sambiste passionnée. Bref, un trésor lorsqu'on ne connaît rien à la culture de ce pays génial. A ses côtés, je découvre les fameuses Ecoles de Samba cariocas (Fichier= bresil-ecolesalsa-carnaval.mp3 ; Taille= 1427 ko) , celles qui défilent dans des chars extravagants lors du Carnaval de Rio. Ces écoles sont en général au pied des favellas (300 favellas dans Rio) et il faut des heures de bus pour y aller ou pour en revenir. Sur place, les rues sont bondées de vendeurs de fromage grillé ou autres snacks. Une queue gigantesque annonce qu'on se rapproche du "Palacio da Samba", d'où transpire une musique au son saturé mais irrésistible. Ici, on ne marche pas : on danse. Jusqu'à 5 heures du matin, heure à laquelle la "batteria" sort cuivres et grosses caisses dans la rue, suivie par des centaines de personnes euphoriques, dont beaucoup portent leurs enfants endormis sur leurs épaules. ![]() Pourtant, c'est à la policia rodoviara que nous demandons de l'aide lorsque, après avoir quitté Rio, nous devons arrêter des camions pour nous aventurer plus loin dans ce gigantesque pays. Avec une patience infinie, les policiers arrêtent au sifflet les camions que nous leur désignons du doigt : ceux où nous pouvons avoir le nez au vent, dans la remorque sans bâche. ![]() En vitesse rapide, le Brésil évoque pour nous :
- les heures magnifiques à rouler (ou pousser les vélos) sur le sable, léchés par les vagues et le vent - les crabes qui s'enfouissent sous nos roues - les pistes poussiéreuses saignant les cocoteraies et les fazendas (fermes souvent gracieuses) - les urubus (sorte de vautour) qui planent silencieusement à 4 mètres de nos têtes - les collines vertes, dodues, coupées par une route bleu marine - les petits bars bricolés, où 3 hommes discutent à côté d'un cheval attaché à un arbre ![]()
- les "Dieu t'aime", "Jésus est ton ami", "Aimez-vous les uns les autres", ou encore "La Victoire est avec Dieu", slogans géants peints sur les murs aux côtés des affiches publicitaires - les mendiants qui avalent en une bouchée tout ce que vous leur donnez de comestible - la volupté d'une source d'eau pure cachée dans un bosquet - l'océan, les palmiers, les barques qui grincent doucement, les bananiers hirsutes, les bas-côtés qui brûlent, les vaqueiros qui rentrent des champs au petit galop
- les chants des crapauds, des criquets, des oiseaux, des enfants, des adultes, des vieillards - la lune qui s'étale aux creux des vagues - les falaises à escalader avec les vélos lorsque la marée haute mange notre plage déserte - le charme graphique des chemins en lacets dans les collines - les orgies de cajous et de maracuja - les vallées sauvages et pourtant lumineuses - la musique et les bavardages qui s'échappent des maisons sans fenêtre... - ... et les Brésiliens qui nous disent (presque) tous les jours "C'est vrai que les Français ne se lavent jamais ?" ![]() ![]() Vers Maceio, l'officier de police Augusto Abreu nous chante Edith Piaf et Maurice Chevalier tout en nous arrêtant des camions (non bâchés) qui vont vers notre destination. Quand l'hospitalité laisse à désirer, nous dormons sur la plage, dans la rue, dans des stations service, des parkings, des églises, des camions ou des commissariats. Nous nous laissons bercer par l'imprévu, profitant des vacances entre deux coups de fils à nos amours respectifs, deux autres cadeaux offerts par ce voyage. Et tous les jours, des gens nous disent : "oh la la, vous en avez du courage !" Salvador de Bahia "Mieux vaut du caviar un jour et des patates à l'eau après, que des raviolis tous les jours" Bouba, banlieusard parisien rencontré à Salvador de Bahia. Il nous explique ici pourquoi il a tout sacrifié pour ses vacances au Brésil. ![]() C'est la magie du carnaval. ![]() De leur côté, lesdits sujets économisent parfois pendant onze mois afin de payer le costume de carnaval, sésame indispensable pour défiler aux côtés des écoles de samba. Le costume, plein de plumes et de fils dorés, se vend entre 200 et 600 réals alors que le salaire moyen atteint à peine les 250 réals (1000 FF). Et les habitants des favellas sont les premiers à économiser pour s'offrir leur rêve de carnaval. Quatre jours et quatre nuits où tout le monde boit, danse, rit, oublie, danse encore, chante... et bien d'autres choses, sauf dormir. Les affiches de prévention contre le sida sont partout. Tous les magasins sont fermés. Hors des rues où le défilé passe, les villes sont mortes. Mais dans les rues élues, difficile de circuler autrement qu'en se frottant contre des milliers de corps joyeux, qui boivent, dansent, rient, oublient, dansent encore, chantent et vous invitent à boire aussi. ![]() ![]() ![]() Mais pour nous deux, une chose est sûre : la saudade du Brésil n'est pas prête de nous quitter. Muito obrigada, pais maravilhoso. Era melhor que um sonho.
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