Index >> Carnet de route: Portugal - Espagne - France Aéroport de Lisbonne, Portugal, le 26 février 2001: Atterrissage en douceur dans les bras de Matteo, venu m'accueillir sur notre vieux continent. Xaviéric s'offre une semaine de rab' au Brésil : nous savons tous les deux que la dernière ligne droite n'est pas forcément la plus facile. À 8000 km de distance, nous savourons donc sept jours de vacances, avant d'attaquer le marathon du retour. ![]() ![]() ![]() ![]() Les parents de Xav', gentiment venus pour le week-end, repartent en nous laissant une cargaison de chocolat. On ne le répétera jamais assez : la bouffe, parfois, c'est ce qui aide à tenir. ![]() Grâce à Janet (lusitano-canadienne), tout nous tombe du ciel. Elle nous trouve une chambre d'étudiant gratuite, dans une vieille maison pleine de vie. Et surtout elle nous présente le groupe Estudiantinas. Si vous téléchargez ces morceaux, vous comprendrez pourquoi nous restons bouche bée. ![]() ![]() Mais tout de même, le Portugal garde ce goût de voyage, avec ses petites charrettes tirées par des ânes, à quelques kilomètres des autoroutes. D'immenses vallées vertes débordent sous la pluie. De mémoire d'homme, on n'a jamais vu ça. "Il pleut tous les jours depuis six mois, vous vous rendez compte ! Les champs sont inondés, on ne peut même plus les labourer...". Au moins, nous ne sommes pas les seuls à souffrir du mauvais temps. À vrai dire, ce n'est pas l'averse qui dérange le plus, lorsqu'on est sur un vélo 10 heures par jour. C'est d'entendre le soir, lorsqu'on est fatigué : "Non, désolé, je ne peux pas vous accueillir..., non non, même pas dans mon garage : j'ai une tondeuse. Allez voir ailleurs". "(...) Et pis c'est pas marqué sur vot'tête que vous z'êtes pas une voleuse." ![]() Donc, pour ne pas paraître aigrie, parlons du meilleur, des meilleurs. Comme ce restaurateur de Guarda, qui nous offre gîte et couvert en répétant : "oui, je sais, j'ai bon coeur". (C'est vrai). Espagne: Comme ces étudiants de Salamanque, qui nous invitent pour un pot, puis pour la nuit, puis pour deux jours avec concert privé (Fichier = es-04-salamanque.mp3, Taille = 4.1 Mo) d'un de leurs amis guitariste joueur de flamenco (Fichier = es-03-salamanque.mp3, Taille = 6.7 Mo). Merci vraiment pour cette nuit blanche qui s'est terminée au bord du fleuve à l'aube, en musique (Fichier = es-05-salamanque.mp3 ; Taille = 5.8 Mo). Ces grandes étendues sauvages de Castilla y Leon, traversées séparément, en se battant contre la montre avec (une fois n'est pas coutume) le vent dans le dos. A 40 km/h dans les montées, c'est jubilatoire, on pardonne tout, même la pluie. ![]() ![]() On retrouve Thomas Ortega. Il apporte des provisions de saucisson et de chocolat. A vélo, Thomas ne perd ni son sourire ni son entrain malgré les détours inutiles et les pentes raides. Je laisse les deux amis pour la route bruyante d'océan, de mouettes, de perdrix. Mer, montagne, forêt. Pays basque, province d'Urdaibai. Usurbil, 200 km plus loin. Ivan et Fernando m'accueillent cinq minutes après qu'un Rottweiler n'ait manqué de m'arracher la gorge. Vive les chaînes et les colliers étrangleurs ! Fernando m'invite alors que je demandais au voisin l'autorisation de dormir sur son palier. Le père et son fils mitonnent un petit festin, en me laissant dormir sur le canapé du salon. Et une semaine plus tard, c'est Xavier qu'il accueillent. Ils lui organisent un concert privé de musique d'Euskadi: la txalaparta triplanche sur tréteau (euskadi-usurbil-txalaparta.mp3, 1.3 Mo). Assez primitif: un retour au moyen-Age; cela se joue à deux (duel), en improvisation, et "ça servait à exprimer une naissance, un décès, mariage, une fête (de plus) à tout le voisinage", qui déjà, prépare les litrons de cidre pour l'occasion... comme l'ont bien vite prouvé Fernando et Tomas. Frontière FRANÇAISE: Franchie en pleine panique de fièvre aphteuse, sur des tapis désinfectants, en solitaire. Il y a ce Banco (perdant) acheté au premier "Bar-Tabac". Il y a les paysages déchirés de bleus et de roches, entre Hendaye et Saint-Jean-de-Luz. Une petite vieille, qui me parle dans un café. "En tout cas, je ne sais pas ce que vous avez mangé pendant votre tour du monde, mais vous z'êtes pas bien maigre." Romuald m'accueille pour une nuit, une randonnée superbe dans les montagnes basques; une autre nuit chez lui: trois jours au total. Plus haut, à Hossegor, la piste cyclable s'élance sur 250 km de liberté dans les pinèdes des Landes. Avec l'océan Atlantique à gauche, en bleu glacé sur toutes les cartes glanées aux offices de tourisme. Nuit dans une grange abandonnée, animée par les gargouillis du ruisseau. Journées où les oiseaux chantent avec les grenouilles des sous-bois. Soleil expirant sur un lac bordé par la mer. Flaques de sable emporté sur la route par les vents d'ouest. On se croirait en Libye, il y a vingt mois..., un siècle. Les mouettes volent en crabe tant le vent souffle. Plus tard, dans la nuit tombante, un couple danse la valse, seul sur une plage trop vide, face a l'océan déchaîné. Je les regarde depuis une dune, subjuguée. Le vent est si bruyant qu'ils ne doivent même pas entendre leurs baisers. 135 km de plus dans la pinède. Mauvaise pizza dans un resto triste. Il pleut et personne ne voit où je pourrais dormir, personne n'a 2 mètres carrés à m'offrir pour étaler mon tapis de sol. Un peu plus loin : le mini-golf du Vieux Boucau. Lorsque je demande l'autorisation de m'installer sous le préau, Jean-Robert me répond : "Mais non, viens donc dormir chez moi, j'ai une chambre d'ami. Qu'est-ce-que tu veux boire ? Du vin ? Je vais te déboucher une bouteille de Bergerac 1986. (...) Aie ! celle-là est bouchonnée. Ouf, il m'en reste une dernière. Ça me fait plaisir de te l'offrir si tu veux boire du bon vin". Lorsque sa femme arrive, elle insiste pour me faire manger de bons plats et me donne des serviettes propres au sortir de la douche. Ce sont des moments qu'on n'oublie pas, lorsqu'on souffre de refus d'hospitalité. Derniers jours de liberté durement gagnée. Sur les routes désertes, cernées par les arbres, le vent joue ses arpèges contre les poteaux et les buissons. Les corbeaux accompagnent de loin cette musique lugubre. Quelques cliquetis de métal : un panneau indicateur qui a chu. Le cinéma nous a appris a aimer ces ambiances vides et j'avance comme à travers un film. Retrouvailles avec Xavier : Jean-Baptiste, rencontré au Cambodge, nous accueille dans son centre de réinsertion pour jeunes paumés. Un endroit nécessaire. Une grande maison cossue, où s'enseigne le respect de l'autre. Deux jours de repos face à l'ordinateur, puis une journée exténuante où nous repoussons tous deux nos limites. A 23h30, ce soir de grand vent, Françoise Girard nous excuse de nos retards et tout le week-end, nous bichonne. ![]() Xav' est près du Lion d'Angers, chez les siens. Plus à l'est, à Amboise, Michel Hubert m'accueille en famille. Deux jours pour panser les plaies vives laissées par les refus d'hospitalité et la pluie narquoise. Le temps s'accélère. Dans quatre jours, nous devons être à Paris. C'est dans la forêt qui précède Blois que c'est arrivé, pour moi. Des larmes heureuses qui expriment les souvenirs. Des bulles de bonheur qui explosent une à une. Les déserts de Syrie, les montagnes ouatées de Turquie, les dunes de Ghat, les rizières lumineuses chez les Dongs, le désert du Baloutchistan, Tchou-Tchou et Sain-Mori, la Mongolie, les Orang Aslis, Kuala Lumpur chez Frédéric, Rio de Janeiro, les cocoteraies, les fazendas, les pistes où la lune nous guide dans des décors de far-west. Même la fin. Les paysages portugais, espagnols, français, pluvieux, souriants, venteux. Tout revient. Tout le plus beau, en une fois. ![]() Avant-dernière soirée chez ma soeur Catherine, à Orléans, en famille. Dernier soir. Nous bouclons la boucle. Denise et Claude Michelet nous attendent. Ils nous avaient accueillis le premier soir. Il y a maintenant six cent quarante-quatre jours. 644 jours. Presque deux ans. 2 ans. 15 avril 2001. 9h00 du matin. Une équipe de M6 vient prendre le petit déj' et nous filmer toute la journée. C'est pour " Jour J ". Une émission pour laquelle travaille mon amie Julie Samuel. Nous avions décidé tous ensemble de filmer ce retour, ce dernier jour, ce jour J. Xav' et moi nous sentons très reconnaissants envers nos sponsors. Par l'assurance d'une diffusion, nous désirons leur montrer que nous ne sommes pas des ingrats, qu'ils ont eu raison de nous faire confiance. Et justement, Julie était partante pour filmer ce genre de projet. ![]() Le petit mot de Xav': kilométrage au Portugal, en Espagne et en France à vélo: 2048 = 260 + 710 + 1078 --- kilométrage en train: 174 --- Total du kilométrage à vélo: 19400 --- Total du kilométrage en car / pick-up / avion: (pareil) L'Europe en quelques chiffres : - 160 km de vent dans le dos - un maximum de 230 km entre 12h 15 et 23h30 - 225 km d'autoroute à vélo, de Salamanque vers Bilbao - 25 refus d'hospitalité, 9 nuits chez l'habitant, - 127 km/h en descente selon le compteur Cateye (je doute un peu...), - deux patins de frein arrachés, justement parce que j'allais trop vite et que je freinais trop fort d'une main, pendant que l'autre main tenait la caméra... gloups ! - 6 paquets choco-BN en guise de petit déjeuner, déjeuner, dîner, et beaucoup de baguettes - budget moyen pour un repas: 15 FF - beaucoup de très belles rencontres, de musiques inoubliables
Villes et villages traversés au Portugal: Lisbonne - Coimbra - mortagua - Nelas - Mangualde - Celorica da Beira - Guarda - Mido - moreira (nos ancètres ? en tous cas, il portent notre nom) - Colonia de la Estacion ça vous turlupine encore, de savoir pourquoi nous sommes partis ? Le voyage à vélo est fini; nous le poursuivons dans nos rêves, portés par les musiques et par nos amis iraniens, turcs, chinois, malaisiens, tunisiens, égyptiens, syriens, brésiliens... un petit mail pour nous remonter le moral ?
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