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Version à imprimer >> Carnet de route: Vietnam "La terrre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Parce qu'elle nous résiste". Saint Exupéry, Terre des Hommes. La nuit tombe sur le poste frontière. Il ferme à 18h et il est 18h15. Les Chinois nous laissent toutefois passer, espérons que les Vietnamiens fassent de même... D'après le Lonely Planet, ces douaniers sont les "plus désagréables de la planète". Plusieurs voyageurs nous ont détaillé les fouilles immanquables, pénibles et intégrales. Donc, nous étalons deux sourires éclatants, histoire d'amadouer les cerbères. Remède efficace, beaucoup moins onéreux qu'un bakshish et surtout plus efficace, puisqu'on nous offre même une bière. Quant aux sacoches, ils leur jettent un regard fatigué d'avance : elles ne seront pas violées. Tant qu'ils y sont, les douaniers changent aussi notre argent, au noir, à un taux correct. Et nous proposent de manger dans leur cantine, contre nos billets tout neufs. Premiers tours de roue en terre Viet, dans la nuit étoilée. Nous plantons les tentes près d'une cabane au bout d'un chemin bosselé. Au réveil, le paysage met de bonne humeur. Des pics karstiques, des rizières à perte de vue, le ruban sinueux de la route, des petites maisons en bois, des troupeaux de canards poussés à la baguette, des motos à 5 passagers, des buffles nonchalants, des enfants splendides, des vieillards magnifiques, des "I love you, I love you !" lancés à notre intention... Images d'Asie calmes et stimulantes. A part les klaxons qui lacèrent nos tympans, tout nous plaît. Nous nous perdons de vue, Xav' et moi, à Lang Son, première "ville" après la frontière. Qu'importe, il n'y a qu'une route jusqu'à Hanoi, on finira bien par se retrouver... Comme souvent, je pédale en pilotage automatique : le corps fait son boulot mais l'esprit rêvasse, porté par les associations d'idées. Soudain, un gong, des cymbales et des murmures me tirent de cette torpeur. Une foule marche sur "ma" route. En son coeur, huit hommes portent un palanquin décoré comme un char de gay pride. 300 mètres plus loin, un deuxième cortège les rejoint et ils s'enfoncent dans un chemin poussiéreux. Je les suis, puisqu'on me le propose. Des hommes m'aident même à pousser PouetPouet (mon vélo, dont le klaxon à poire se fait plotter depuis le départ). La foule est plutôt gaie car des pleureuses se chargent d'exprimer la peine de tous. Personne ne semble choqué de ma présence. Au contraire, on me pousse à regarder la cérémonie pendant que PouetPouet est sous bonne garde. Deux flûtes entament une complainte énergique. Leur son rappelle les zucras tunisiennes (cf Takhmira: soufisfax.mp3, taille= 985 ko, Carnet de Route Tunisie). Un gong leur répond, les pleureuses sanglotent en rythme et la foule s'empare du cercueil pour le porter en haut d'un tertre. Là, le trou déjà creusé est invisible, tellement chacun s'y presse. Cette pagaille presque joyeuse permet de dédramatiser le dernier Voyage. Point de solennité accablante. Il est venu, il part, on lui dit au revoir. La terre est jetée par seaux, les conversations reprennent, la Vie ne peut s'arrêter. Je redescends accompagnée de sourires. Bouleversée de ne pas l'avoir été par effet de foule. La mort avec un "m" minuscule, la Vie avec un "V" majuscule. Conceptions différentes, belles comme une humanité aux multiples visages. En fin de journée, un vélo cerné d'enfants s'arrête à ma hauteur. Xavier aussi apprécie ces petites routes de montagne, surtout qu'elles descendent plus qu'elles ne montent. La nuit tombe vite en Asie. Le crépuscule dure 1/4 d'heure. Des lucioles clignotantes nous guident vers le prochain boui-boui. Ce soir, il s'agit d'une maison sur pilotis. On y accède par un petit pont de bambous, d'une solidité douteuse. A l'intérieur, une télé éclaire les murs de planches disjointes. Lumière vert gazon : match de foot Chine-Vietnam. Le Vietnam mène 3 à 2, donc nous sommes les bienvenus. On nous autorise à entrer les vélos et tant qu'on y est, à dormir dans la salle à manger. Pendant que son père commente les penaltys , Nan nous sert l'inévitable soupe aux nouilles et au porc (notre repas triquotidien depuis Yangshuo). A 20 ans, Nan est déjà mère d'un adorable poupon bridé. Elle travaille tous les jours dans ce restaurant perdu, de 5h du matin à minuit. Passé, présent, avenir : sa vie consiste et consistera à servir des soupes, ici, dans cette maison sur pilotis. Pourtant, un sourire irradiant ne la quitte pas. Elle nous soigne comme si nous avions besoin d'amour. Elle dont le mari n'est pas là, elle dont le père ne décolle pas de la télé, elle qui aurait tant le droit d'être aigrie. Dimanche matin : nous quittons Nan après la séance de photo, l'échange de cadeaux et la soupe au porc matinale. Dans presque chaque village, le marché hebdomadaire draine les paysans des campagnes. Nous savons que parfois, les minorités descendent avec leurs instruments et jouent leurs musiques à qui veut les entendre. Nous le savons, c'est ça qui est rageant. Personne ne parle un traître mot d'anglais ou de français et nos questions mimées ne provoquent que des rires. Bref, si ça se trouve, nous sommes en train de passer à côté d'enregistrement fabuleux, et vraiment, ça énerve. Parce que depuis des mois, nous essayons d'obtenir quelques informations d'ethnomusicologues payés (par vos impôts) pour dénicher ces spots musicaux, et depuis des mois, ils nous envoient poliment balader sans nous dévoiler la moindre piste. Or, nous savons qu'ils savent. (égoïstes !!!) Pour compenser, nous nous empiffrons de bananes et de fruits étranges qui n'existent qu'ici. La route, somptueuse, alterne l'asphalte et la piste. Partout, ces pics arrondis tellement asiatiques; ces paysages de la Baie d'Along les pieds au sec. Nous parvenons à nous perdre de nouveau. Bel exploit puisqu'il n'y a qu'une route. Mais peut-on encore se perdre dans ce monde ? Nous savons tous les deux que l'autre nous laissera un message :
Je retrouve donc Xaviéric à l'Alliance Française, où une jolie Vietnamienne le presse de questions sur Proust. Première fois que je vois Xav' passionné de littérature. Le camescope repart au service après-vente (pour réparer la panne provoquée par Sony-Pékin). Pendant ce temps-là, nous découvrons l'endroit qu'il nous fallait : le Viên Âm Nhac, institut de musicologie vietnamien. Si les chercheurs du CNRS ou autres ethnomusicologues se montrent avares de leur science (en tout cas avec nous), leurs collègues vietnamiens ne demandent qu'à nous renseigner. Saviez-vous que les 54 minorités ethniques du Vietnam ont inventé plus de 200 instruments de musique? Flûtes, gongs, tambours, harpes primitives, des échantillons magnifiques sont exposés dans une grande pièce. Deux étudiants nous installent des vidéodiscs spécialisés. Image et son défilent. Des musiques comme on les cherche, enregistrées au fond de la jungle ou au sommet des montagnes. Nous jubilons. "Où vivent ces musiciens ? Pourriez-vous nous donner un contact sur place ? Accepteriez-vous de nous traduire quelques phrases pour leur expliquer notre démarche ?" Tô et Hua nous renseignent avec une patience et une érudition réjouissantes. Nous sortons de là excités comme deux puces, plein d'énergie pour aller chercher les musiques là où elles se cachent. Ca commence à une petite centaine de kilomètres d'Hanoi. Ils nous ont recommandé "Hoa Binh". Pour la troisième fois, nous nous perdons sur la route. Comme Xav' était sensé être derrière, je l'attends jusqu'à ce que la nuit tombe. Un jeune francophone me propose l'hospitalité. Sans me poser de questions, je le suis dans des petites allées sombres bordées de palmiers. Sa maison montre que la famille, francophone, n'a pas de problèmes d'argent. Une pièce entière est réservée au culte des ancêtres. Sur un immense lit vide, des bâtons d'encens brûlent près des portraits du grand-père. Les plateaux de fruits sont donnés en offrande, tout comme les plats cuisinés, qui sont servis aux esprits avant d'être posés à table. Lao, mon hôte, me tend une bassine pour la toilette du soir. Se doucher à l'eau fraîche, dans la moiteur du crépuscule, c'est un plaisir qui s'apparente au luxe. Lao insiste pour m'emmener boire un café. mon vélo à l'abri, j'enfourche son scooter et me laisse porter par cette belle soirée. Politique, religion, vie quotidienne, inégalités sociales, Lao répond à mes questions sur le Vietnam, sans se censurer, ce qui est plutôt rare dans les Républiques démocratiques Socialistes. Le café ferme et Lao me regarde avec un grand sourire. "Moi t'emmener hôtel car ce n'est pas possible tu dormes chez mes parents sinon problèmes police pose questions." Effectivement, les Vietnamiens n'ont pas réellement le droit d'héberger des étrangers chez eux. Toutefois, il aurait pu le dire avant.
-- Je peux te faire découvrir les capacités des Asiatiques... -- C'est très gentil mais je dormirai seule. -- Je suis volontaire pour garder la porte. -- C'est très aimable mais je dormirai seule, COMPRIS ? Lao finit par accepter, tout en me laissant dans un bordel puisque ce sont les seuls hôtels qu'on trouve dans ces campagnes non touristiques. Je m'effondre sur le lit, dans une chambre aveugle. Un doute m'habite : Lao m'a laissée tranquille, certes, mais je ne sais pas où je suis et mon vélo est chez lui. Si je dois faire confiance à mon sens de l'orientation pour le retrouver, autant rentrer en France à cloche-pied. morphée m'assomme. On verra ça demain. Toc toc toc. J'émerge avec peine. Derrière la porte, il fait jour. Lao est rasé de près.
C'est touchant de voir les excuses que les Asiatiques inventent pour ne pas perdre la face, leur obsession. Je rentre dans le jeu et accepte, de mauvaise grâce, de payer la nuit d'hôtel. Lao me reconduit chez lui sans cacher sa déception.
-- J'ai bien compris, Lao, mais ça ne fonctionne pas comme ça, chez moi -- Oui, c'est vrai, tu étais fatiguée... Face aux sourds, soyons muets. Il faut maintenant retrouver Xavier. Est-il devant ou derrière ? Lao m'a traduit "je cherche un jeune étranger qui se balade à vélo, comme moi. L'avez-vous vu passer ?" Lorsque je tends ce papier, une foule se forme et tous me regardent en faisant tourner leur mains, façon "ainsi font font font, les petites marionnettes." Ici, ça veut dire "non, j'en sais rien" ou "je m'en fous royalement" selon les interlocuteurs. Comme Xavier a la carte et la liste des musiciens que nous voulons rencontrer, je fais demi-tour pour essayer de le retrouver. Après deux bonnes heures d'attente et beaucoup de petites marionnettes qui tournent, je repars dans l'autre direction. Comment s'appelait-il, déjà, ce village ? "Mao Binh", "Hoa Binh", "Bam Yen", "Yac Binh"? Ici, les paysages lavent le voyageur de tout stress. Donc j'avance, lentement mais sûrement. Sûrement, mais sans savoir si je vais dans la bonne direction. Parce qu'évidemment, maintenant que je suis perdue sans carte et sans destination, il y a plein de routes différentes. 30 km plus loin, vers le Nord-Ouest, on m'affirme avoir vu un cycliste passer hier soir vers 19h. Je ne comprends plus rien. 50 (beaux) kilomètres de plus et un buveur de bière me hèle joyeusement. C'est Xav', il était donc devant. En fait, il m'avait dépassée hier soir sans me voir et il avait roulé deux bonnes heures dans la nuit, pour essayer de me rattraper. Armés de notre feuille bilingue, nous commençons la recherche des musiciens. Je vous passe les détails de cette longue quête, mais nous finissons par comprendre que nous ne trouverons rien dans les montagnes. Les seuls Muong doués pour la musique jouent à l'hôtel Jaioubliélenom. Bel ensemble de pavillons en bambous, où de fortunés touristes peuvent chaque soir boire des aquariums d'alcool pour la modique somme de 35 dollars par personne, "ethnic live music" incluse. "Revenez ce soir, vous ne serez pas déçus", promet le jeune standardiste. "Nous préférerions rencontrer les musiciens avant, savez-vous où ils se trouvent ?" "Allez par-là, ils sont en train de répéter." "Par-là", effectivement, une flûte parle aux palmiers. Des percussions et des er-hu entament une autre conversation. Une belle femme en robe traditionnelle semble superviser tout ça. Nous lui tendons le papier en souriant. "Nous faisons le tour du monde en bicyclette, dans chaque pays, nous cherchons des musiques traditionnelles, bla bla bla, elle en arrive au passage-clef : "chung toi co tho tra tien cho cac nghunhan o dag vo nhac un va thin lao cun nhac cûn", qui, comme vous l'aviez deviné, signifie "nous payons ce voyage avec nos économies donc nous n'avons pas beaucoup d'argent pour l'instant". Eric et Isabelle se taisent en espérant qu'elle lise la suite : "toi muon chup hinl cac nghi nhan co chioc lchong, baivi ichi tôi tro vo jahap, san thang tôi sê lain bâng, chia va sach vâ toi hia se tâng lai che cac ban", ou plus simplement "Mais nous souhaitons enregistrer ces musiques et prendre des photos car à notre retour nous tenterons de sortir un disque et un livre. Et nous vous promettons qu'à ce moment-là, nous enverrons de l'argent aux musiciens qui nous ont aidés." A notre grande surprise, cette belle femme nous rend nos sourires et nous propose de commencer nos enregistrements dès qu'elle aura réuni tout le monde. Gongs, violons chinois, flûtes en bambou, instruments locaux beaux et étranges, ces musiciens aux pieds nus nous offrent leurs morceaux. Avec une disponibilité étonnante, ils nous les offrent sur une promesse écrite en deux langues, derrière une carte routière. Nous ne trahirons pas leur confiance et nous leur enverrons une part des bénéfices si ce disque voit le jour. Nous y tenons et chaque musicien recevra ce qui lui est dû. Mais c'est tout de même réconfortant d'être crus sur parole, dans ce monde où l'argent sert souvent d'unique sésame. Qui plus est, écoutez-les ces musiques; fermez les yeux, imaginez les palmiers et les bosquets de bambous qui bougent au gré du vent (Fichier vnhoabinflutegong.mp3, Taille= 969 kb, Origine=Hoa Bin, Vietnam), imprégnez-vous du calme de ces petits villages où il faut aller chercher l'eau au puits, avant de mener les buffles aux rizières... Visualisez cette femme douce, qui berce son enfant dans un hamac en coton (Fichier vnhoabinberceuse.mp3, Taille= 1459 kb, Origine=Hoa Bin, Vietnam). Et ces hommes qui frappent le gong en harmonie (Fichier vnhoabinconcertgong.mp3, Taille= 666 kb, Origine=Hoa Bin, Vietnam) , inventant un langage minéral. C'est un bout d'âme sonore qui se déroule tranquillement. Un bout de Vietnam encore protégé, encore pur. Car maintenant que j'ai dit tant de bien du Vietnam, il est temps de nous venger. Oui. NOUS VENGER. Parce qu'il y en a marre, d'être sans arrêt pris pour des cons de touristes qu'il faut forcément arnaquer. Marre de devoir payer au moins 4 fois le prix, voire 10 fois plus si on n'a pas exigé l'addition avant de consommer. Marre de demander la route et de se faire envoyer balader d'un geste méprisant. Ras-le-bol de ces "oui oui" qui veulent dire "NON". De ces questions simples que nous posons, nous mimons, nous dessinons, ces questions simples et logiques (du style : Saïgon, c'est par là?) qui nous valent une foule curieuse et inexpressive, désireuse de nous faire perdre du temps. Et oui, je me venge... des différences de mentalités souvent pénibles à supporter. Nous, occidentaux rationnels, avons bien du mal à comprendre que Descartes n'ait pas franchi le canal de Suez (la phrase est de François Ponchaud). Nos raisonnements déductifs se heurtent au système intuitif asiatique. Ou plutôt analogique. Ici, l'abstraction n'a pas de sens, il faut questionner en répétant inlassablement, jusqu'à ce que le déclic survienne. Nos évidences ne sont pas les leurs, et vice-versa. Exactement, à grande échelle, le même problème qui engendre tant de tension entre Xav' et moi. Accepter les différences d'autrui. Il est long, le chemin de la tolérance. Et tellement plus rapide, celui de l'énervement. Lorsqu'on veut s'assurer de quelque chose, mieux vaux retenir qu'ici, la vérité n'est pas l'accord de la parole et de la réalité, voire la réalisation d'une promesse. Non, la vérité consiste à permettre une bonne relation, en disant ce que l'autre veut entendre, même si c'est complètement faux. Le "oui" signifie "je vous écoute" ou "cause toujours". On a beau le savoir, on se fait toujours piéger. Et toutes ces petites différences de comportement sont parfois... exaspérantes. C'est fou ce qu'on apprend sur soi, chaque jour, à force d'être déstabilisé. Epuisant mais essentiel. Fatiguant et... fatiguant. Vous trouvez ça normal, par exemple, qu'un service après-vente vous détruise votre caméra, comme ça, discrètement, l'air de rien ? Tout a commencé à Pékin, où nous l'avions fait nettoyer par précaution. Lorsqu'on nous l'a rendue, elle était aphone et l'image se morcelait. Plusieurs milliers de km plus loin, à Hanoi, Sony la garde dix jours... pour nous la restituer apparemment saine. Une fois en rase campagne, l'exposition se bloque, la mise au point aussi et le son refuse de jaillir. La conscience professionnelle n'est pas très étouffante, ici, même pour les employés de multinationales. Restons zens. Après avoir passé 36 heures d'affilée dans un bus bondé et gluant, nous rejoignons Phan Rang, dans le Sud du pays : nous avions adoré les performances remarquables des minorités Yo, entendues au centre de musicologie. Je vous passe le trajet, mais sachez toutefois
Il faut le voir pour le croire. Bref, le bus nous jette à l'entrée de Phan Rang, une nuit, vers 4 h du matin. Nous finissons de dormir au bord de la route, sous un auvent en feuilles de bananiers. Nguyen Hai Lien, un musicologue charmant - ça existe, au Vietnam - précise où se trouvent les musiciens que nous cherchons. Le village se trouve dans la jungle, à environ 50 km d'ici. Il nous donne même le nom de 4 musiciens qui y vivent. Nous sommes fous de joie. Surtout que le soir même, nous assistons à un concert étrange à Phan Rang. Sous le drapeau communiste, un rituel tribal étale ses mystères en sons et en transes (Fichier vnfanrangfatie.mp3, Taille= 683 kb, Origine=Phan Rang, Vietnam). Staline se retournerait dans sa tombe, lui qui aimait tant exterminer les shamans. Quant à nous, ça nous rappelle la soirée Takhmira (Fichier=soufisfax.mp3, taille= 985 ko, Sfax, Tunisie). Ressemblance troublante, d'ailleurs. Vous ne trouvez pas ? Bref, nous partons le lendemain, la fleur au micro, vers le village Yo de MaNôi. Pressés d'entendre Chamalea Âu, Barâu Thi To, Tapo Thi Doan et Katôr Phon Hoa nous jouer leur Histoire. Sur la piste poussiéreuse, nos deux vélos obèses rebondissent de joie. Aller chercher des musiques "au fin fond du monde", si vous me passez l'expression, c'était notre souhait depuis le départ. Pour une fois, nous avons les infos nécessaires. Les rares Vietnamiens que nous croisons pourraient être africains. Peau très sombre, profils aplatis, pagnes, femmes qui pilent les céréales au mortier... le voyage devient Voyage. Nous finissons par trouver MaNôi, où des enfants hurlent de terreur en nous voyant. Des blancs, il n'en passe pas beaucoup par ici. Le lettré du village lit notre papier bilingue. Quelqu'un part chercher Barau Thi To, qui habite juste à côté. Dans la case, nous sommes cerclés de regards curieux. Grâce aux phrases traduites et aux dessins explicites de Xav', nous prenons rendez-vous avec les quatre musiciens pour ce soir, à 17 h. 17h30. Une foule compacte nous entoure. Barau Thi To est là, mais pas les trois autres. Patiemment, nous refaisons des mimes et des dessins pour expliquer que nous aimerions les enregistrer tous ensemble. Patiemment, nous attendons deux heures, avant de constater que rien ne changera malgré les "oui oui" récurrents. Patiemment, nous expliquons que nous donnerons 50 000 Dongs à chaque musicien (5 Euros, une fortune ici) et que nous paierons les mobylettes pour aller les chercher. Patiemment, nous attendons une heure de plus, avant de constater que rien ne changera malgré les "oui oui" persuasifs. Patiemment, nous prenons Barau Thi To par la main pour lui demander d'aller trouver les musiciens avec nous. Patiemment, nous attendons que le 3ème propriétaire de mobylette à qui elle demande accepte de prêter sa machine. Pleine d'espoir, je monte derrière Barau Thi To et goûte au ronronnement du moteur dans la nuit opaque. Nous croisons un vélo, Barau s'arrête pour discuter, j'attends (patiemment) et elle fait demi-tour avant de rendre la mobylette à son propriétaire. Elle n'ira pas plus loin. Visiblement, le cycliste lui a affirmé que les musiciens n'étaient pas chez eux. Je retrouve Xavier, dont la patience est également très érodée, malgré les larges sourires qu'il parvient encore à distribuer. Nous avions TOUS les éléments pour mettre en place cet enregistrement. TOUT était expliqué, en Vietnamien ou en dessins. Nous avions une journée pour nous assurer qu'ils avaient compris notre démarche. Nous avions ces "oui oui", auxquels nous croyions pouvoir nous fier. Mais nous sommes en Asie. Mieux vaut en rire. Même si demain, nous devons partir, alors que nous étions si près du but. Visiblement, nous pourrions rester un mois de plus sans pouvoir être sûrs de réaliser cet enregistrement. Donc, nous reprenons la piste à l'envers. Nous quittons la poussière pour le macadam.Cap sur Saïgon, devenu Ho-Chi-Minh Ville. Il faut réparer la caméra, s'occuper du site Internet, des visas cambodgiens, du futur billet Singapour-Rio de Janeiro... bref, le voyage continue, avec ses grands moments et ses petits soucis. Mais cette fois-ci, deux belles surprises nous attendent. Xav' retrouve ses parents dans quelques heures à Saigon, et ma soeur arrive au Cambodge après-demain. Je laisse Xav' et je vous quitte pour prendre des vacances (bien méritées) avec ma Petite Laine. A plus...
Quelques mots de Xav': Mon carnet de bord (plutôt élagué) vous permettra de retrouver un Vietnam fidèle à sa légende (vietnamxavier.rtf, 32 ko), les arnaques en plus; parcours à suivre, les pieds dans l'eau, sur la carte (carte-vietnam.tif, 32 ko). Ce site vous plaît ? Non ? Bon, n'hésitez pas à nous le faire savoir ; Rappelez vous que vos mails nous aident à pédaler et à continuer. Long San (frontière) - Hanoi : 180 km de jolies routes montagneuses Hanoi - Hoa Binh - Hanoi : 200 km à vélo ---- Hanoi - Phan Rang : 1300 km de bus ---- Phan Rang - Ma Noi (musiciens silencieux) - Dalat : 150 km à vélo ---- Dalat - Saïgon en minibus : 400 km ---- Saïgon - frontière Cambodgienne : 200 km de boue
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