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Carnet de route : Turquie = montagnes.



Cela commence par des jolies collines lointaines, suivies de collines plus acérées avec de la neige au-dessus et au bout d'un moment, on se retrouve à passer des cols à 2000 mètres d'altitude. Sans trop souffrir, ce qui est très étonnant.





Nous avons rarement autant apprécié le vélo que sous les tempêtes de neige ou dans les bourbiers gluants des sentiers.

Pendant dix jours, nous traversons lentement ces paysages immaculés, ponctués d'arbres nus aux squelettes harmonieux.
Parfois, trois pyramides bleutées émergent de l'horizon bancal. Parfois, ce sont des sommets plus complexes, façon étiquette d'Evian. Des petits oiseaux nous suivent par bonds, comme des dauphins autour d'un bateau. Plus haut, les rapaces nous survolent gracieusement. Dans les villages, des gueules splendides nous observent, mi-amusées, mi-ahuries. Les cimetières sortent de neige, avec leurs pierres tombales brunes et striées, tout juste arrachées à la montagne. Et ce silence ouaté. Ces dégradés de blancs.


Bon évidemment, là, je ne dis que le meilleur. Il y a aussi les camions poussifs qui nous crachent leur fumée. Comme ils peinent à 10km/h dans les côtes, on peut parfois s'y accrocher pour gagner quelques kilomètres. Mais à vrai dire, ça fait plus de 100 kg à tracter (vélo et cycliste) à bout de bras et du coup, je finis par lâcher. Déjà que j'ai les cuisses de Jeannie Longo, autant éviter les bras de Stallone.
Il y a surtout les chiens. Ici, les chiens, ce ne sont pas des caniches. Plutôt des croisements pitt-bull / Saint-Bernard. Quand ils se mettent à courir derrière le vélo, forcément, c'est sportif. Près de Kayseri, deux molosses réussissent l'exploit de me faire grimper une côte (interminable) à 20 km/h. Ils galopent en aboyant, babines baveuses retroussées, crocs pointus, colliers à pointes. J'en ai un de chaque côté. Lorsqu'ils s'essoufflent, j'ahane comme un phoque, exténuée.

Kayseri.

Une petite journée de ski, ça ne se refuse pas. Même quand pas de carre, les chaussures pas d'étanchéité et les pistes pas de pluriel : une seule piste, une seule remontée, les tarifs de Tignes en pleine saison. J'exagère à peine. Mais une petite journée de ski, ça ne se refuse pas.
Le soir, après avoir traversé 15 kilomètres de banlieue ignoble (stations services à droite, HLM à gauche, autoroute au milieu), on finit par dormir dans un commissariat de GIGN locaux. "Specialist of anti terrorism. Kurds pan pan pan". Avec nous, ils sont charmants, mais nous on n'est pas Kurdes.

Ürgüp, Nevsehir, Göreme, Uçhisar...
Cheminées de fée, troglodytes, fresques byzantines, falaises cannelées... Voilà la Cappadoce. Deux volcans qui culminaient à plus de 3000 mètres ont craché ici leur lave, trois millions d'années avant notre arrivée. L'érosion a eu le temps de faire son boulot. Au IVème siècle, des hommes ont commencé à aménager ces champignons minéraux. On choisit l'une de leur grotte, bien à l'écart de toute route. A la limite, qu'ils aient peint des fresques d'une fraîcheur inouïe seize siècles plus tard, ça ne m'étonne pas beaucoup (depuis le musée du Caire, je suis calmée sur l'art antique), mais comment faisaient-ils pour survivre ici en hiver ? Emmitouflés dans nos super sacs de couchage en polyamide - Teflon, on ne fait pas trop les fiers avec nos polaires et nos caleçons longs. Pour sortir des sacs au petit matin, c'est un vrai supplice.
Vite compensé par la féérie de ce paysage, souvent qualifié de lunaire (pour ce que j'ai vu de la lune, la Cappadoce est plus belle).

A Ürgüp, Omar nous fait découvrir la baalama (Urgup.mp3, 700 ko, origine=Cappadoce) , une forme de saz, c'est à dire un petit luth à long manche et à la caisse pleine. 7 cordes et un son étonnamment riche. Militaire, il se dégage 1/2 heure le lendemain pour qu'on puisse aller faire des photos sur les hauteurs d'Urgüp. (cf 1er paragraphe).
Sur la route d'Ankara, à Kirsehir très précisément, je scrute les étals d'un petit supermarché en cherchant les bonnes affaires comestibles. Un pain, du fromage, des olives et deux tomates. "Bir milion". Un million. "Bitish, techekür" (ce sera tout, merci). L'épicier me pose quelques questions sur le voyage, je lui réponds poliment, sans plus, et pars téléphoner en laissant le vélo sous sa protection. A mon retour, il me tend deux sacs remplis de chocolats, de fromages, de conserves, de fruits et légumes (hors de prix ici), de gâteaux. Il m'invite à boire un coca frais en m'offrant un paquet de clopes. Chaque client s'entend réciter l'itinéraire, ponctué de gros rires. La pure gentillesse des autres, ça permet de voir l'étendue de notre égoïsme, en tout cas du mien. Si nous revenons de ce voyage inchangés, je crois que nous sommes perdus pour toujours.


Ankara.


Une fois de plus, le réseau Julie Sibony fonctionne à merveille. Nous sommes accueilli à bras ouverts par Antoine (merci aussi Cécile). "Faites vraiment comme chez vous et n'hésitez pas à vous étaler, surtout." Pouvait-il se douter qu'il ne faut SURTOUT PAS nous dire ce genre de choses ? L'immense trois pièces perd rapidement sa surface libre. On est là comme des pachas, à boire du Yakout en regardant Nestor Burma sur TV5. Ahhhhh, la civilisation, ça fait du bien.
Les musiciens de la TRT (Radio nationale turque) nous offrent eux aussi un concert privé. (cf 1er paragraphe, encore et toujours). Le morceau s'appelle Segâh Pesrevi. (radioankara.mp3, Taille=1.1 mo, Origine=Turquie). Il a été composé par Youssef Pacha au XVIIIème siècle. Celui-là, écoutez-le en fermant les yeux et en pensant aux paysages de rêve des brochures touristiques turques. C'est meilleur qu'un loukoum.

Pendant que les vélos dorment sagement sur le balcon d'Antoine, petit saut à Istambul. Quelle ville ! Dans l'appart' du doux Jan (vive les coopérants français), on prend nos petits déj' au soleil avec vue sur le Bosphore.
Pendant que Xav' repart à Ankara chercher les visas iraniens (on les a eus, on les a eus, youpi youpi yop, merci Xav'...), les Kardes Türküler me permettent d'assister à leur répétition ( Ca vaut le coup de prendre le temps de télécharger le fichier ! kardes2.mp3, 1.1  Mo). Ce groupe, qu'on pourrait traduire par "Les chants de la fraternité", s'attache à jouer les musiques des minorités turques. (...) "Ce qui correspond ici à un véritable acte politique", comme le souligne Altug Yilmaz, membre du groupe depuis sa création en 1990. L'autre morceau qu'on vous propose s'appelle Spala Yana (kardes1.mp3, 1.3 Mo). Il est d'origine Macédonienne et on le retrouve en Thrace (la partie Européenne du territoire Turc). Personnellement, j'adore. Xavier aussi. C'est très Tsigane, comme son. Ah, on adore, on adore, on adore.


       

Dans le quartier gitan de Sulukule, on voulait justement enregistrer des musiques Tsiganes mais on nous a demandé des sommes astronomiques (en dollars, même pas en millions turcs) pour un résultat incertain. C'était prévisible, mais dommage. Tant pis.
Debout à 5h du matin, je me retrouve seule face à la mosquée bleue, pour voir un lever de soleil... blafard. Ciel nuageux. Tout n'est pas perdu. Mes petits pots de gouache (trimbalés depuis Le Caire) m'apprennent que je sais dessiner autre chose que la tête de Toto. C'est ma grande révélation d'Istambul.

L'Europe s'éloigne avec les mouettes. Je retourne en Asie, cette fois- ci, cap sur l'Est jusqu'en Chine. Le voyage semble renaître chaque jour. Et pour les petits rigolos qui se gaussent de notre passage à Istambul, neuf mois après le départ, sachez que nos compteurs affichent 10 000 km, soit plus que Paris - Pékin à vol d'oiseau. Et oui ma bonne dame...


Elazig, gare routière, 6h du matin.

Nous n'avons rien à faire ici, la colère monte. Pour traverser le Kurdistan (totalement déconseillé par l'ambassade), nous avons pris le bus Ankara - Van. Il s'est arrêté là, à mi-chemin. On nous demande maintenant un supplément de 14 millions pour continuer la route. Face au guichet, nous braillons en turc, ce qui amuse beaucoup les employés... avant qu'une demi centaine de badauds viennent jauger le scandale. La police débarque, s'informe du délit. Ils nous demandent poliment de venir nous calmer au commissariat.
Entre deux siestes dans le cachot, nous sommes gavés de thé et de toasts par des officiers charmants. Quinze heures plus tard, ils nous offrent le bus pour Van.
 
Que voyons nous à Van ? L'immense lac bleu turquoise ? L'adorable église de l'île Akdamar ? L'ancienne forteresse d'Agar ? La mosquée Seljouke ? Rien de tout cela, bien sûr. Des ordinateurs, des claviers, des souris foireuses et des connections internet qui plantent tout le temps. Nos fichiers attachés (photos et musiques) partent une fois sur quinze. Voilà le programme de deux journées complètes, malgré les 75 heures - je n'exagère pas - déjà passées à Ankara en face des écrans. Mais pourquoi avons-nous voulu un site internet ? En tout cas, merci Alice d'avoir téléchargé toutes ces photos, ces musiques, ces textes, et de les avoir si bien mis en page.

Nous passons la première nuit chez des étudiants kurdes rencontrés au web bar. Ils ont déniché les bières interdites et nous font découvrir leurs musiques préférées. Je rejoins mon lit à quatre heures du matin avant de retrouver ces chers ordinateurs.
Un marchand de tapis nous héberge le deuxième soir. Comme beaucoup, il est d'une gentillesse rare. Pendant que les femmes s'activent dans la cuisine, il nous parle de ses voyages en Turquie et en Iran, à la recherche de kilims.
- Et tu emmènes ta femme avec toi, lorsque tu pars deux semaines ?
- Non non, chez nous, les femmes restent à la maison pendant que les hommes font ce qu'ils veulent.
- Et elles sont heureuses  ?
- Parfois oui, souvent non. (sourire un peu gêné)
-Si tu leur proposes de t'accompagner, qu'est-ce qu'elles répondent ? (Ses deux soeurs viennent de finir la vaisselle, il leur pose la question. Réponse : deux "evet" (oui) lancés avec une détermination qui nous fait mal.) Notre hôte nous regarde en souriant.
- Mais pourquoi tu ne les emmène pas, de temps en temps ?
- Parce que dans notre culture, cela ne se fait pas.
Les femmes repartent à la cuisine pour préparer du thé. Le père veut voir l'ordinateur, avec les photos et les musiques. Nous attendons que toute la famille soit réunie pour lancer Encarta. Aux premières loges, le père est fasciné.
- Combien coûte cet ordinateur ? Si peu ? Oh, je vais aller à Paris pour en acheter un. Et puis quand j'y serai, j'en profiterai pour changer de femme, celle-là est vraiment trop vieille...
Il prononce ces phrases en kurde, devant sa femme qui sourit pour ne pas nous gêner. Le fils traduit tout, fidèlement. Voyant nos regards éberlués, il en remet une couche :
- C'est vrai, regardez, elle est vraiment vieille ma mère... Elle n'est plus très attirante...
Ce n'est pas la première fois que nous entendons ce genre de phrase. Ce ne sont jamais des mauvaises blagues. Le Coran autorise quatre femmes.
 
Ah, le voilà enfin ce fameux lac... Il est sublime. 125 km de long pour 65 de large. Une gamme de bleus propre à reposer l'oeil de toute orgie informatique. Nous passons près du mont Ararat, où l'arche de Noé aurait échoué. Des paysages sauvages nous abrutissent de plaisir. Lacs de sel, cascades, montagnes rouille, nevés... Une côte épouvantable, même en poussant les vélos, annonce la halte tant désirée  : le Palais d'Ishak Pacha.
Nous le connaissions en photo : c'était l'une des images que nous regardions pour oublier la fatigue, lors des préparatifs épuisants il y a maintenant un an. Ce soir, nous déplions les sacs de couchages à ses pieds. Deux Belges qui viennent d'Inde en camion nous rassurent sur le Baloutchistan. Demain, nous serons en Iran.



Quelques mots de Xav' :
 
Pour en savoir plus ou changer de regard, cliquez ici pour télécharger mon carnet de bord : fichier turquiexavier.rtf, 49 ko.
La carte de la Turquie est téléchargeable aussi : fichier carteturquie.tif, taille=31 ko .

Faire Paris-Pékin-Rio-etc... à vélo, c'est bien gentil, mais il faut garder les yeux ouverts sur d'autres pays que nous ne pourrons pas visiter pendant ce voyage (hélas, mille fois hélas). Antoine Bricout, qui nous a accueilli à Ankara, nous a proposé de découvrir quelques photos qui datent de son stage de fin d'études...au Mali. Si vous avez le temps, téléchargez donc le fichier ZIP auto-décompactable (Taille : 260 ko) de photos. Ouvrez le ensuite pour voyager ailleurs.

kilométrage dans le pays, à vélo : 1070 --- kilométrage dans le pays en car / pick-up / avion : 1900 --- Total du kilométrage à vélo : 9790 --- Total du kilométrage en car / pick-up / avion : 6250


L'Iran, c'est dans cette direction..., M'sieurs Dames

Villes et villages traversés en TURQUIE - Antioche - Iskenderun - Dortyol - Yeniyurt - Narlik - Ceyhan - Cukurkopru - kozan - Tufanbeyli (X : nos hôtesses étaient tellement belles... toutes !) - Develi - Kayseri (C'est là qu'on skie) - Nevsehir - Kirsehir - Urgup - Celebi - Kirikkale - Elmadaj - Ankara - Isa+moi : Autostop jq ISTANBUL - retour ANKARA idem - bus : Voyages de nuit vers KAYSERI, Adyaman, Elazig Van - A partir de là : vélo et stop en camion benne vers Muradiye - mont Ararat et DOGUBAYAZIT (images)- (...et sur les derniers kms, encore quelques molosses pour nous courir derrière
et manger du mollet)

C'est si simple de nous écrire, et puis, si vous saviez comme ça nous aide à pédaler : un simple clic

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